Quand le local change nos vies : l’expérience d’un éco-quartier

C’est à la suite d’une opposition victorieuse par des habitantEs de Fribourg à un projet de centrale nucléaire dans la région que l’aventure collective a commencé. Les citoyenNEs de la ville, réputés en Allemagne pour être « alternatifs », une expression très courante dans le pays et dont les significations sont aussi vagues que multiples, ont décidé de prendre en main le destin de leur commune, pour expérimenter et créer un nouveau vivre-ensemble local. Un vrai projet d’écologie politique, dont nous ne percevons souvent que l’aspect environnemental. Car il est vrai que la ville est aujourd’hui considérée comme « la capitale mondiale de l’écologie », grâce aux projets ambitieux que les citoyen-ne-s et les municipalités  ont mis en place (aujourd’hui le maire est membre des Grünen, les Verts allemands). Etudiant cette année dans cette ville grâce au programme européen Erasmus, j’ai la chance de vivre de l’intérieur cette atmosphère et cet état d’esprit « alternatif », qui est loin de se limiter à l’aspect environnemental.

« Tout est lié ». C’est une réflexion que l’on peut avoir en voyant cette ville fonctionner. Solidarité, environnement, participation politique (parfois même autogestion), diversité, culture : voici les principaux axes de la politique municipale, et du projet collectif de la « société civile ». En quelques années, la ville s’est métamorphosée. La partie émergée de l’iceberg est la politique des transports, qui a le mérite d’être efficace, « umweltfreundlich » (respectueuse de l’environnement), et d’instaurer un climat serein, tranquille et apaisé dans toute la ville. Loin du « tout bagnole » stressant, bruyant et polluant, la ville a axé sa politique sur les transports en commun et les modes de déplacement actifs. Le faible nombre de voitures y est impressionnant ; les vélos grouillent de toute part, sans que cela pose de problèmes de circulation ou de sécurité, grâce notamment à la politique menée pour donner un « vraie » place aux cyclistes ; le réseau de transports en commun quadrille efficacement la ville, notamment grâce à ses trams. Ici, différents moyens de transports se côtoient sans se gêner, pour répondre aux besoins de chacun.

Ecologie, diversité et recherche d’égalité pour tous sont donc au cœur de la politique des transports ; plus largement, elles sont au centre de l’aménagement du territoire. On peut citer par exemple le secteur du bâtiment. Toute nouvelle construction  répond aux normes HQE (haute qualité environnementale), et des efforts sont faits dans la rénovation des bâtiments anciens : isolation, panneaux solaires, etc. Quatre éoliennes surplombent la ville, pour assurer un bouquet énergétique diversifié. Par ailleurs, si la municipalité et les citoyenNEs souhaitent être actifs dans la construction de logements sociaux, la problématique de la mixité sociale est systématiquement prise en compte. Ainsi, on retrouve des logements étudiants un peu partout, des logements sociaux dans des quartiers plutôt riches, ou plutôt étudiants.

Diversité, mixité, tolérance, solidarités : cette politique, voulue par les citoyenNEs, porte ses fruits dans les relations humaines. On voit dans les rues de tous les quartiers, y compris au centre ville, des personnes de tous âges et de toutes origines sociales ou culturelles se croiser et s’entraider. Il y a peu de problèmes de délinquance, bien que la ville ne soit pas un « ghetto de riches ». L’intégration des immigrés, et non leur marginalisation et leur criminalisation comme cela est fait par la droite extrême de Sarkozy, est une priorité municipale à la fois juste et pragmatique.  Bien sûr, tout n’est pas idyllique, mais ce climat de « bien-être » et ce « vivre-ensemble » local, créé par la prise en main des citoyenNEs de leur destin, et favorisé par des politiques municipales ayant cet objectif, est bien perceptible.

Je ne peux pas ne pas évoquer le tout nouveau quartier Vauban, mondialement célèbre, étudié aujourd’hui dans toutes les écoles d’architecture, tous les cours d’aménagement du territoire, visité par des hommes et des femmes politiques du monde entier. C’est un prototype en matière d’écologie, et  la réponse locale la plus poussée face au changement climatique. Ce quartier est aussi un modèle de vie en commun, de solidarité, de mixité, et de participation politique. Bref, il résume assez bien ce que la majorité des FribourgeoiEs souhaitent pour leur ville, et ce que nous, Verts, Associatifs et Citoyens, souhaitons pour Vanves. Notre projet d’éco-quartier à l’îlot Cabourg est d’ailleurs directement inspiré de cette superbe expérience humaine menée au quartier Vauban de Fribourg. Concrètement, tout y est pensé pour être respectueux de l’environnement, créer du lien et de la mixité sociale, offrir un cadre de vie agréable aux résidents, tout en respectant les différences de chacun. Ancienne base militaire française pendant la guerre froide, « Vauban » a longtemps été squatté par des personnes souhaitant mener un mode de vie alternatif. Celles-ci n’ont pas été délogées, une place dans le quartier leur a été réservée.

C’est en 1996 que commence le projet de réaménagement du quartier en une sorte de lieu expérimental à échelle humaine. Situé à 15 minutes en vélo du centre ville, une ligne de tram a été modifiée pour traverser le quartier. Les voitures sont quasi-absentes : la plupart des zones sont piétonnes, et il existe, entre les immeubles, de nombreux espaces verts où jouent les enfants et discutent les plus grands. Les nouveaux arrivants qui s’engagent à ne pas acheter de voiture sont remboursés de l’équivalent du prix d’une place de parking. Deux parkings sont situés à l’extérieur du quartier, et les voitures qui pénètrent dans le quartier ne peuvent rouler à plus de 5 km/h, par sécurité. Tous les bâtiments sont conçus pour polluer le moins possible : forte isolation, matériaux écologiques et recyclables, luminosité naturelle dans les appartements (grâce aux grandes fenêtres et à l’orientation par rapport au soleil), différents modes de chauffages peu polluants, panneaux solaires sur les toits, « puits canadiens » (climatisation naturelle non polluante), la liste est longue. On peut ajouter que les bâtiments sont reliés entre eux afin d’échanger leurs avantages écologiques en fonction des besoins (par exemple, s’il fait beau, les surplus d’électricité créés par les panneaux solaires sont transférés aux bâtiments en déficit).

Côté social, on retrouve sur ce quartier tous les types de logements : sociaux, étudiants et privés. De quoi réunir tout le monde. Plusieurs salles collectives sont disponibles pour se rencontrer, et une maison des associations fédère le très dense tissu associatif. Le « Forum », association privée et démocratique dont de nombreux habitants du quartier sont membres, promeut la participation citoyenne et l’autogestion du quartier.

« Démocratie, écologie, solidarités », voilà ce qui pourrait résumer le ville de Freiburg-im-Breisgau. C’est dans cette direction que nous, Verts, Associatifs et Citoyens, souhaitons aller pour Vanves. Tout n’y est bien sûr pas parfait. Parfois, les mesures de la ville sont contestées ; dans ce cas, les citoyenNE savent choisir la voie de l’indépendance et reprendre leur destin en main pour faire échouer le projet municipal. C’est aussi ce que nous voulons pour Vanves : que les citoyenNEs soient actifs, participent à la vie de leur quartier, aient la possibilité de mener des projets, de s’auto-organiser, de se mobiliser pour ou contre quelque chose. Qu’à terme, tous les habitantEs de notre ville, français et étrangers, jeunes et moins jeunes,  décident eux-mêmes de leur sort. Fribourg nous montre que l’échelle locale offre une marge de manœuvre considérable pour choisir de vivre mieux, ensemble et dans un environnement plus sain, même lorsque les dirigeants nationaux en ont décidé autrement.


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Verdure, peu de cloisons, proximité entre les voisins, rues piétonnes… : tout est fait pour créer un cadre agréable aux habitants d’un éco-quartier.
 Le centre de Fribourg est interdit aux voitures. Piétons, cyclistes et utilisateurs de tram se croisent dans un climat tranquille et peu pollué.
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   Les matériaux utilisés associent esthétisme et respect de l’environnement.
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