Comprendre les enjeux du festival : l’incinération des déchets en quelques questions

Cet article est en lien avec la projection du film Déchets à ménager, Mercredi 14 avril, 20h30 au Théâtre du lycée Michelet (voir le programme détaillé)

L’incinération des déchets en quelques questions

Depuis quand ?

Les premiers incinérateurs sont construits en France il y a un siècle (Saint-Ouen en 1907). La chaleur produite par ces fours sert alors à actionner les broyeurs à déchets. Ensuite, l’énergie de la  combustion est utilisée à  la production d’électricité, à l’alimentation des réseaux de chauffage urbain ou aux deux à la fois. Dans les années 70, les incinérateurs fleurissent partout en France ; on en a compté jusqu’à 300. Il en reste aujourd’hui environ 120, dont certains sont parmi les plus gros du monde. 19 sont en région parisienne avec les 3 principaux à Ivry, Saint-Ouen et Issy. Ce dernier, Isséane, présente une capacité de 460 000 tonnes (!) de déchets entrants par an.

Qu’y rentre-t-il ?

Dans un incinérateur comme Isséane, rentre tout déchet qui n’a pas été écarté par le tri. Un incinérateur fonctionnera d’autant mieux (plus d’énergie produite et moins de pollution) que les déchets seront peu humides et exempts de substances toxiques. La façon dont nous trions nos déchets dangereux, recyclables, réutilisables et fermentescibles (par exemple les déchets de cuisine) a donc un impact sur la santé des riverains et sur l’environnement  ainsi que sur la performance énergétique de l’installation.

Qu’en sort-il ?

Ce qui sort de l’usine d’incinération peut être résumé à 3 catégories :

Des rejets sous forme de fumées: furanes, dioxine, oxydes d’azotes, particules, métaux lourds, etc. Les normes ont beaucoup évolué pour réduire ces émanations, nécessitant des travaux très coûteux dans les installations. Cela ne veut pas dire qu’il y a moins de polluants produits mais qu’on les capte avant leur sortie des cheminées. On les retrouvera donc sous une autre forme. On connaît encore mal les effets de tels rejets sur les populations riveraines et l’environnement. Des corrélations entre incinérateurs et certains cancers ont cependant été révélées par l’Institut National de Veille Sanitaire. Un moratoire sur la construction de nouveaux incinérateurs est demandé depuis longtemps par de nombreuses associations et professionnels de santé. Il est intéressant de voir que sur un site comme Isséane, construit récemment, les hautes cheminées crachant des panaches de fumée blanche ont disparu.

Des résidus : environ 250 kg de mâchefers pour 1 tonne de déchets entrés. Ils seront enfouis ou utilisés comme matériaux de remblais bien qu’ils contiennent une part de polluants dont des métaux lourds. Les résidus d’épuration de fumées d’incinérateurs d’ordures ménagères aussi appelés « refioms » sont également problématiques. Ainsi pour chaque tonne de déchets brulés, 30 à 50 kg de déchets hautement toxiques sont produits. Il faut encore les traiter pour en réduire la nocivité et enfin les stocker de façon sécurisée.

De l’énergie : électricité et/ou chaleur. La production des deux simultanément est appelée « co-génération » et est reconnue pour être la valorisation la plus efficace. Isséane est un exemple d’installation en co-génération. La haute performance énergétique est une des conditions requises pour l’exploitation d’un incinérateur telle qu’exprimée dans la directive européenne sur les déchets adoptée en 2008.

Et les autres solutions alors ?

L’investissement lourd que demande la construction ou la rénovation d’un incinérateur engage ses commanditaires à en assurer la pérennisation et la rentabilité. Il est certain que le choix de construire de nombreux incinérateurs en France, et d’autant plus en Ile-de-France, depuis des années s’est fait au détriment des autres modes de traitement des déchets, notamment du recyclage (part de l’incinération dans le traitement des déchets : Europe 20% – France 36% – Ile-de-France 57%*). Le choix de l’incinération concurrence également les initiatives de réduction des déchets puisqu’il faut continuer à « nourrir » les incinérateurs en place. Toutefois, la question de l’efficacité énergétique implique une nécessaire réflexion pour la mise en place de solutions pratiques afin d’écarter les déchets fermentescibles des bennes acheminées vers l’incinérateur. Le compostage, individuel ou collectif présente à cette fin une solution envisageable. Et ses avantages ne s’arrêtent pas là, mais c’est une autre question… A suivre

Source : 10 questions sur les déchets en Ile-de-France, ORDIF – Observatoire régional des déchets d’Ile-de-France, E. Chevaillier. Ce livre sera en vente à la petite librairie du festival.

*source CNIID

Notes :

Le récent incendie à la TiRU (ancienne usine d’incinération d’Issy) pose encore la question du démantèlement de ce type d’installations et du devenir des terrains qui les ont hébergés (voir l’article ici).

L’entrée d’un l’incinérateur

entree incinerateur

Un tas de mâchefers

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Vue aérienne de l’incinérateur Isséane

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