Et après les européennes?

Avec quelques jours de recul, tentons de tirer quelques enseignements du dernier scrutin électoral.

Rappelons d’abord quelques données : la participation nationale comme européenne a été faible mais dans la droite ligne de l’évolution constatée depuis plusieurs scrutins européens. En France, selon les enquêtes de sortie des urnes, ce sont bien les électeurs les plus intéressés par la vie politique, y compris européenne, qui sont allés voter : ce sont surtout des  citadins, plutôt instruits. Notons aussi que les électeurs les plus jeunes se sont moins déplacés que leurs aînés. A Vanves, comme souvent, la participation a été nettement meilleure (plus de 10% supérieure !) que la moyenne nationale avec plus d’un électeur sur deux qui s’est rendu dans un bureau de vote.

Parmi les 745 députés élus au Parlement européen, quatre faits importants à noter : une avancée de la droite conservatrice qui a désormais près de 300 députés, dont 10% de Sarkozystes;  c’est une majorité relative, pas absolue. A leur droite, une cinquantaine de « souverainistes » qui se font élire au Parlement pour dénoncer son importance politique et une quarantaine d’autres députés plus ou moins extrêmes mais difficilement rassemblables. A leur gauche, environ 80 députés du groupe libéral-démocrate auquel se rattachent les 6 Bayrouistes français. Tous ces groupes sont très hétérogènes et votent rarement ensemble.

Le reste du Parlement européen se composera d’un groupe social-démocrate en recul, environ 180 élus dont une grosse vingtaine en Allemagne, en Italie, en Espagne, seulement 14 socialistes en France et 11 travaillistes anglais, quelques Grecs et quelques Scandinaves. Là encore, l’hétérogénéité des positions politiques est bien connue avec ceux qui soutiennent la reconduction de Barroso à la tête de la Commission européenne, ceux qui s’en accommodent et ceux qui disent vouloir quelqu’un d’autre. A la gauche de ce groupe siégera une trentaine de députés de « gauche radicale », dont les 4 élus français du Front de gauche.

Outre les conservateurs, un seul autre groupe européen a donc progressé lors de ces élections, c’est celui des Verts. Ils étaient une quarantaine, ils seront plus de 50. La France et l’Allemagne fournissent les plus gros contingents, 14 chacun. Les autres viennent des pays scandinaves, du Royaume-Uni, du Benelux, du Portugal, d’Espagne, d’Autriche. Comme on l’a vu dans la mandature précédente, et à la différence de tous les autres groupes politiques, le groupe Vert du Parlement européen vote de façon très homogène. Il a été élu sur un canevas européen élaboré par un Parti Vert européen qui existe et fonctionne depuis plus de cinq ans. Il sera présidé par Dany Cohn-Bendit dont l’expérience est grande dans ce Parlement. Malgré sa taille relativement faible, le groupe des Verts a été (et sera encore plus) capable de susciter des majorités diverses selon les textes à examiner et les directives et règlements à voter. Il porte un grand espoir. Avec des élus comme José Bové pour reconstruire une Politique agricole commune (la fameuse PAC) qui nourrisse les populations sans tuer la terre et empoisonner les eaux à coups d’engrais, de pesticides et autres produits phytosanitaires, et qui assure aux paysans un revenu décent et prévisible, comme Eva Joly pour laquelle l’enjeu sera la création au niveau européen d’une Commission anti-corruption, le Parlement reçoit des personnalités fortes et qui ont la volonté d’agir au niveau pertinent, l’Europe.

Alors, avec ce (relativement) fort taux d’abstention, faut-il tirer un voile pudique sur les résultats en annonçant qu’ils ne sont pas significatifs? Qu’ils ne présagent rien de bien nouveau pour les prochaines échéances électorales françaises? Ce n’est certes pas notre avis.

Car tout l’indique, nous sommes entrés depuis plusieurs élections et en particulier depuis la dernière présidentielle dans une période de repositionnement des forces électorales. A droite, l’UMP s’est renforcée en faisant le vide autour d’elle. Le FN n’intéresse plus guère. Le PS qui était dominant à gauche depuis plus de 30 ans a perdu ce rôle central. Les électeurs ne se portent plus aussi naturellement vers lui. Ils hésitent, cherchent chez Ségolène Royal ou chez François Bayrou la femme ou l’homme providentiels qu’ils abandonnent presque aussi vite qu’ils les avaient investis de leurs espoirs. Quant à la « gauche de la gauche », elle semble s’adresser à une fraction assez étroite de la population à coups de discours qui ont l’air d’avoir été répétés depuis des décennies.

Alors quoi de neuf? L’écologie bien sûr, passée soudainement de la marge au centre de l’attention des citoyens et des médias. C’est en tout cas ce que l’on a pu constater dimanche 7 juin et ce, de façon très homogène à travers tout le pays.

Plus de 16% des suffrages exprimés pour les listes Europe Ecologie, plus de 3% pour d’autres listes écologiques dont les bulletins étaient de même couleur verte et de facture très ressemblante. Au total, 20% de votes résolument écologistes. Votes bobo? Outre que ce terme est bien imprécis, il paraît vraiment  inadapté quand on voit la liste Europe Ecologie arriver en tête à Nanterre, Saint-Denis, Pantin, Bagnolet, Montreuil, Malakoff, Clamart… quand on décompte 20% des électeurs en faveur d’Europe Ecologie dans une ville aussi populaire que Saint Nazaire, quand on voit Europe Ecologie devant le PS dans les ¾ des villes de plus de 100 000 habitants, loin devant lui à Paris, Lyon, Rennes, Grenoble… et devant même à Marseille.

En Ile-de-France, le score d’Europe Ecologie est impressionnant. Avec près de 21% des voix, les électeurs franciliens envoient 4 eurodéputés écolos siéger à Bruxelles et Strasbourg. Daniel Cohn-Bendit bien sûr, Eva Joly évidemment, mais aussi Pascal Canfin, journaliste économique, et Karima Delli, la plus jeune des eurodéputés français, née à Tourcoing il y a 30 ans à peine, et résidente de Malakoff. Trois sont adhérents chez les Verts, Eva Joly ne l’est pas mais elle siégera comme tous les eurodéputés élus sous la bannière d’Europe Ecologie (8 Verts et 6 associatifs au total) dans le groupe Vert du Parlement européen.

Et à Vanves? Comme dans toute l’Ile-de-France, Europe Ecologie y fait une percée impressionnante. En tête dans 5 des 19 bureaux de vote de la ville, dont celui de la mairie, elle totalise 25,4 % des suffrages, pas très loin derrière l’UMP à 28,7%, et loin devant le PS à 15,7 % qu’elle devance dans tous les bureaux de vote, sur le Plateau, au centre comme dans les hauts de Vanves vers le Clos Montholon. A titre de comparaison, il y a 15 mois avait lieu l’élection municipale. Il y avait eu 11636 votants au 1er tour, contre 8840 (2796 de moins) ce dimanche 7 juin pour l’élection européenne. La liste UMP, celle du maire sortant Bernard Gauducheau, avait recueilli 47,6% de ces votes, 5306 voix. L’UMP a perdu près de 3000 électeurs pour un recul de près de 20%. La liste PS, celle du précédent maire, Guy Janvier, était à près de 32 % avec 3562 voix. Avec 1354 voix ce 7 juin pour la liste PS, le recul est encore plus énorme. Et les écologistes? En mars 2008, la liste Verts Associatifs Citoyens menée par Marc Lipinski récoltait 887 voix, tout juste 8 % des votes. Quinze mois plus tard, celle d’Europe Ecologie en récolte 2199, bien plus que le double! Le Modem quant à lui était à moins de 10 % en 2008, il y reste en 2009.

Et maintenant? Toute la question est de savoir où va aller l’espoir des électeurs dans les prochaines échéances électorales. On le saura vite puisque les Conseils régionaux seront renouvelés en mars 2010. Ce sera une élection à deux tours, semblable aux élections municipales. Sur la lancée d’Europe Ecologie qui a rassemblé les Verts et d’autres écologistes issus des mouvements associatifs, et à l’exemple de ce qui se fait depuis bientôt 10 ans à Vanves, il y aura des listes écologistes formées de Verts et d’associatifs dans chaque région et en premier lieu en Ile-de-France. Que feront les électeurs? Vont-ils revoter pour le PS qui préside presque toutes les régions? Donner encore plus de pouvoirs à la droite sarkozyste? Ou bien sont-ils enfin résolus à prendre le virage de l’écologie afin d’affronter les véritables enjeux de ce début de XXIe siècle? Pour notre part, nous sommes confiants. Ecologie et société peuvent désormais avancer du même pas.