Alimentation : le retour des circuits courts ?

Un article de Sophie Fabrégat, paru dans Actu-Environnement.com – 11/01/2010

Autrefois considérés comme la norme puis progressivement abandonnés au profit d’une organisation de la production et de la distribution de plus en plus spécialisée, les circuits courts reviennent en force depuis quelques années. Comme un défi à l’agriculture productiviste et à la grande distribution, ces modes d’organisation alternatifs (coopératives, AMAP, vente à la ferme, marchés de producteurs…) se développent sur l’ensemble du territoire. Jugés marginaux dans les années 80, ils semblent aujourd’hui davantage confirmer une tendance de fond, impulsée par de nombreux enjeux économiques, sociaux et environnementaux mais également par une forte attente des consommateurs.

Le gouvernement semble vouloir appuyer ce phénomène qui concernerait aujourd’hui 2 à 3 % du marché mais pourrait toucher jusqu’à 10 % des produits de consommation courante. Début 2009, le ministère en charge de l’agriculture a d’ailleurs constitué un groupe de travail chargé d’identifier les voies et les moyens à mettre en œuvre pour favoriser le développement de ces modes de commercialisation des produits agricoles. Un plan d’action décliné en 14 mesures en a découlé afin d’améliorer les connaissances sur les circuits courts et les diffuser, adapter la formation des agriculteurs, favoriser l’installation de producteurs en circuits courts et mieux organiser ces dispositifs.

Des enjeux en termes d’emploi et de revenus

Disparition des petites exploitations, baisse des revenus, hausse du foncier sont des réalités auxquelles est confrontée l’agriculture depuis quelques années. Avec les circuits courts, les agriculteurs souhaitent se réapproprier l’aval de la chaîne, pour diversifier leur activité qui n’est plus alors limitée à la seule production, mais aussi pour lutter contre les monopoles du marché alimentaire et des centrales d’achats qui imposent leurs prix, souvent au plus bas. L’absence d’intermédiaire aboutit dans de nombreux cas à un système gagnant-gagnant : le producteur accroît ses revenus et le consommateur se procure des produits frais, à un tarif raisonnable.

Les circuits courts seraient également créateurs d’emplois. Les AMAP (associations pour le maintien d’une agriculture paysanne), qui consistent à créer un groupe de consommateurs qui s’engagent, sur une période donnée, à acheter un certain nombre de produits au producteur, permettraient de créer un emploi en moyenne pour 40 familles adhérentes. La transformation, la vente sur place mobilisent également du personnel. En 2005, les 16,3 % d’exploitations agricoles qui réalisaient de la vente directe (soit 88.600) représentaient 26,1 % des unités de travail agricole (UTA).

Une demande sociétale

Les circuits courts correspondent également à une nouvelle attente des consommateurs, qui les plébiscitent. Selon le CREDOC (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie), si en 2004, 20 % des Français souhaitaient acheter ailleurs que dans les grandes surfaces, en 2007 cette proportion est passée à 37 %.

Le fort développement des AMAP ces dernières années a d’ailleurs été impulsé par la demande des consommateurs.

Celle-ci dépasse même l’offre dans ce domaine ! Cette tendance traduit une nouvelle réalité en matière de consommation. Les différents scandales sanitaires ont conduit les consommateurs à rechercher la qualité. Dans leur esprit, proximité signifie souvent qualité, terroir… Une partie croissante des consommateurs souhaite également donner du sens à l’acte d’achat. Le commerce équitable, l’agriculture biologique, les modes de distribution alternatifs sont donc pour eux une alternative à la grande distribution.

Circuits courts versus bio ?

La question se pose souvent : faut-il privilégier les produits de proximité ou l’agriculture biologique ? En moyenne, un aliment parcourt 1.500 km avant d’arriver dans notre assiette. Les produits biologiques n’échappent pas à cette tendance. L’offre insuffisante par rapport à la demande conduit à l’importation de produits. Le développement du bio dans les discounters conduit également à l’importation, via le développement de cultures dans les pays du Sud, en Afrique notamment, où les coûts de production sont plus faibles. L’idéal ? Privilégier les produits bio de proximité !

Cependant, le développement des circuits courts est confronté à plusieurs freins. Il est difficile pour le producteur de proposer une offre régulière et pérenne alors que le consommateur est habitué à une régularité d’approvisionnement et à une diversité des produits.

La transformation et la vente nécessitent l’investissement dans des équipements parfois coûteux, pour répondre aux réglementations sanitaires (chaîne du froid…). Et les petits producteurs peinent à accéder aux prêts bancaires…

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