Le mouvement global d’exode rural fait entrer la faim dans les villes

Par Laetitia Clavreul, Le Monde, 17 mars 2009

Comment nourrir un monde de villes ? La planète devrait compter 5,3 milliards de citadins en 2050 selon les prévisions de l’ONU, soit 2 milliards de plus qu’aujourd’hui. Dans les pays en développement, 5 millions de nouveaux habitants viennent, chaque mois, gonfler la population des villes. Beaucoup fuient la pauvreté des campagnes, déplaçant dans les bidonvilles les problèmes de sécurité alimentaire.

C’était l’un des thèmes du Forum mondial des sciences de la vie Biovision, qui se tenait à Lyon du 8 au 11 mars. “Les émeutes de la faim, dans les villes d’Haïti notamment, ont permis d’attirer l’attention sur l’importance de la pauvreté urbaine dans la crise alimentaire mondiale”, remarque Florence Egal, responsable de l’initiative “Food for Cities” au programme des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

Car si la majorité des quelque 900 millions de personnes qui souffrent aujourd’hui de faim et de malnutrition sont des agriculteurs pauvres, le phénomène risque de devenir, ces prochaines décennies, essentiellement urbain. “En ville, les gens ont peu d’accès direct aux biens agricoles, leur capacité à se nourrir dépend de l’argent qu’ils gagnent”, souligne Nathalie Ernoult, vice-présidente de l’organisation non gouvernementale (ONG) Action contre la faim.

Sur un continent comme l’Afrique, où la majorité des urbains vivent avec moins d’un dollar par jour, le plus petit choc économique et la moindre augmentation des prix sont fatals. Action contre la faim observe ainsi une montée du nombre de citadins qui doivent se contenter d’un repas par jour. “Le taux est passé de 36 % à 52 % de la population à Bangui (Centrafrique)”, cite Mme Ernoult. Avec à la clé des carences nutritionnelles dramatiques, notamment chez les enfants.

Face à la menace d’un développement massif de la malnutrition en ville, la FAO et les ONG cherchent à favoriser des systèmes alimentaires plus robustes, enracinés dans le terrain local, alors que des logiques de spécialisation économique ont souvent fait disparaître des filières de production et d’approvisionnement de proximité.


MARAÎCHAGE URBAIN

“Infrastructures, organisation des marchés… On doit étudier toute la chaîne des problématiques alimentaires en zones urbaines, très différente de celle des zones rurales, analyse Florence Egal. Le modèle de développement que nous avons promu ne fonctionne pas. Il s’appuie sur une échelle macroéconomique qui s’est révélée plus fragile que prévu, et surtout il ne prend pas en compte l’environnement local.”

Conséquence de la crise, l’agriculture se développe à l’intérieur même des villes, encouragée par de nombreuses ONG. “L’agriculture urbaine permet aux gens non seulement de se nourrir eux-mêmes et de diversifier leur régime alimentaire, mais de gagner un complément de revenu en vendant le surplus”, explique Nathalie Ernoult. Avec parfois des solutions ingénieuses quand la terre manque : dans un bidonville de Nairobi, c’est dans des sacs qu’on cultive désormais les légumes.

La FAO cherche à encadrer ces cultures devenues vitales. “Il y a des risques sanitaires, indique Mme Egal. Il faut vérifier avec quelle eau les plants sont arrosés, que les égouts ne se déversent pas dans les cultures, mais aussi les produits utilisés par les agriculteurs.” Des travaux qui pourraient servir dans les villes des pays riches, où l’idée du maraîchage urbain s’impose de plus en plus comme ingrédient du développement durable.

 

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