Quatrièmes rencontres parlementaires de l’agriculture durable

Reportage de l’envoyé spécial de la Ruche

Thème de cette quatrième édition, qui s’est déroulée le 22 décembre dernier : “Vers une agriculture recentrée sur  ses fonctions alimentaires”


Ces rencontres parlementaires sont placées sous le haut-patronage de Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale et de Michel Barnier, ministre de l’agriculture, Elles sont toutes animées par le député Antoine Herth depuis 2003 (il fut le rapporteur du projet de loi d’orientation agricole et est  lui-même betteravier), et co-organisées avec Gérard César, sénateur de Gironde, viticulteur de profession, président du Groupe d’études sur l’Économie agricole alimentaire et très actif par rapport à la viticulture bordelaise (il fut aussi président de la cave coopérative de Rauzan).

On aurait pu facilement confondre ces rencontres avec un autre événement récent : Les premières “Rencontres internationales de l’agriculture durable”, qui se sont tenues le 10 décembre 2008 dans le même arrondissement parisien . Celles-ci sont organisées par l’«Institut de l’agriculture durable », parrainé par Monsanto-France et Syngenta (leader mondial de l’agro-industrie), avec la bénédiction du ministre Jean-Louis Borloo, de M. Sarkozy, et la participation de Mme Kosciusko-Morizet.


Entre ces deux manifestations (la parlementaire et l’internationale), les similitudes sont redondantes : hormis l’orientation politique qui est logiquement la même, on retrouve parfois les mêmes intervenants dans ces deux colloques à quelques jours d’intervalle (Michel Griffin de l’Institut National de la Recherche, et Stéphane Le Foll, député socialiste européen !)

Mais surtout, ces deux rencontres sont parrainées par les mêmes entreprises chimiques, par exemple :

– Basf (groupe chimique allemand), Syngenta pour les rencontres de l’Institut.

– Basf, Unifa (industries de la fertilisation, http://www.unifa.fr/ ), Monsanto pour les rencontres parlementaires,


On voit aussi, pour revenir à ces Journées Parlementaires, que les entreprises citées ont toujours  un intervenant lors des dernières journées :

– Gilles Poidevin pour l’Unifa, Franck Garnier pour Bayer, pour les deux et trois dernières éditions,

– Denis Tardit pour Syngenta, Vincent Gros pour Basf  en 2007 et 2008,

– Monsanto a eu Benoit Cambon en 2007, Yann Fichet en 2008. Chacun était, on s’en doute, contre le moratoire OGM.

On peut penser que, derrière cette façade qui reprend le terme « agriculture durable »(avec la définition de 1987 du développement durable issue du rapport Bruntland : un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs) que des enjeux politiques et politiques se jouent. Les chercheurs de l’Inra ont aussi intérêt à répondre aux offres, c’est l’avenir de la recherche en France et de la carrière de chacun qui s’y joue, ici également. Quant aux discours entendus, pas de polémique, sauf dans la salle, qui animait un peu les débats.

En effet, il n’y avait aucune association de la « société civile », ni d’association très engagées politiquement ou contre les société sus-nommées à la tribune. Ceci a donné lieu à la réaction sans illusion d’associations par  une lettre, consultable en cliquant ici.

Le but dans ces Rencontres n’est pas de provoquer des débats houleux, des conflits difficiles à gérer. On n’est pas au Grenelle ni à Porto Alegre, bien qu’il y soit fait référence. Car en effet, début 2009, le sénat aura à se pencher sur le « Grenelle 1 », et dans l’année au « Grenelle 2 », c’est à dire à l’application.


Quelles idées peut-on tirer alors de tout ce décorum légèrement factice et convenu ?

– La part de responsabilité des agro-carburants dans tout cela est de 15%, ce qui est très relatif (en 2007, 100M de T de céréales ont été affectées aux agro-carburant, sur une production de 2100M de T). De même, la responsabilité des cultures pour les agro-carburants dans la hausse des prix des matières premières agricoles est contestée (le prix du riz, qui ne rentre pas dans cette composition, a doublé récemment).

– En revanche, 10% de l’énergie mondiale provient de la bio-énergie, c.à.d. le bois et les bouses. On réfléchit à la production locale (ex : huiles de coco et autres) pour produire directement de l’énergie électrique dans les pays pauvres, dont 4/5 de la population n’a pas accès à l’électricité.

– La question de l’eau est posée, par la salle (qui relaie un peu les positions des associations, non invitées) : l’eau douce est dite rare, en voie de disparition. Pourtant, pour les cultures, il y en a beaucoup en Afrique, mais elle n’est pas utilisée correctement. De plus, 4% des terres agricoles y sont irriguées, contre 30% en asie, progression depuis 1960. Un investissement de petite irrigation et de moyen terme (stockage, adduction) demanderaient seulement 65 Milliards de $.

– Tous sont d’accord pour demander une instance d’expertise mondiale (qui coordonne celle de la FAO et l’OMC, par exemple,  avec des pouvoirs de gouvernance mondiale, lesquels font cruellement défaut).

– Un rapport de l’IAASTD (équivalent du GIEC pour le climat) va sortir en janvier. Monsanto et Syngenta ont quitté cette instance, qui regroupait vraiment tout le monde, car on insistait trop sur les aspects négatifs des OGM et pas assez sur le positif des bio-technologies (dixit Yann Fichet, de Monsanto). Tous disent que l’on ne résoudra rien de manière manichéenne, tout dans l’OGM, ou tout dans le dogmatisme inverse : il faut considérer chaque éco-système, c’est dans une synergie entre les deux que des directions ont à être prises. Donc du bon sens et du consensus, notre reporter en est encore tout ému !!!

Il a été également question de la France et de l’Europe.

Un tel titre de colloque est vague et nos politiques sont pris dans des enjeux locaux qu’il rappellent : leurs agriculteurs, les élections européennes qui approchent.

Un historique de la PAC est fait, qui montre avec satisfaction les évolutions positives depuis 1999, qui vont dans le sens de l’environnement, par l’introduction de règles d’« éco-conditionnalité » de plus en plus obligatoires et accrus, jusqu’au Grenelle, dont les propositions sont présentées comme ambitieuses : 5 % des exploitations « certifiées HQE » en 2013, « Eco-phyto 2018 » : moins 50 % de produits phyto-sanitaires en France, multiplication par 3 des sols bio (Basf nous dit alors qu’ils font ce qu’il peuvent pour améliorer les produits, mais qu’il faut laisser du temps aux entreprises qui cherchent). La représentante du ministère (Marion Guillou) nous abreuve d’«Agriculture à Haute Performance Environnementale », qui sert de modèle. Nous baignons agréablement dans une novlangue.


A ce propos, on peut aller voir ici le bilan gouvernemental de la Pac, celle faite par le parti vert européen et sa réforme par le projet d’Agriculture HPE : http://www.agriculture.lesverts.fr/spip.php?rubrique5


Rien qui remette en question  l’autorisation de poursuite en France de l’utilisation de Cruiser, produit par  Syngenta ( http://www.romandie.com/infos/news2/081218154000.e1ub3ng0.asp ), produit  est interdit en Allemagne, et dont on pense qu’il est à l’origine de la destruction des abeilles, après le Gaucho, le Régent.


Mme Marion Guillou parle néanmoins du « Réseau Biodiversité pour les abeilles » : http://www.jacheres-apicoles.fr/index/chap-qui_sommes_nous

BASF apporte aussi son soutien à cette cause : http://www.basf.fr/index.php?pge=35&IDDetail=1118&deb=0&nbpp=10

En fait, si vous voulez voir de l’agriculture durable pour un peu de temps encore, allez voir le film de Raymond Depardon : La Vie Moderne