Nanomatériaux : le principe de précaution recommandé

Article paru dans Le Monde du 12.10.08.

L’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Afsset) a présenté, vendredi 10 octobre, l’état de ses travaux sur l’évaluation des risques éventuels liés aux nanomatériaux. Les experts estiment qu’il n’est “pas possible d’exclure à cette date l’existence d’effets néfastes pour l’homme et l’environnement”. L’Afsset recommande donc “l’application du principe de précaution” à l’égard de ces matériaux de plus en plus présents dans l’environnement.

Environ 2 000 nanoparticules manufacturées, dont une des dimensions est inférieure à 100 nanomètres (un nanomètre équivaut à un milliardième de mètre), sont déjà commercialisées.

Elles sont présentes dans plus de 600 produits de consommation : nanotubes de carbone dans les raquettes de tennis, silice dans les pneumatiques, nanoparticules d’argent dans des jouets, oxyde de titane dans les crèmes solaires. L’Allemagne, le Royaume-Uni ou le Canada ont déjà mené des enquêtes sur les filières produisant ou utilisant ces particules et mis au point des guides de bonnes pratiques.

Depuis 2005, l’Afsset a été saisie à trois reprises par le gouvernement pour évaluer les risques des nanomatériaux manufacturés. Dans son premier avis, en juillet 2006, elle recommandait notamment “la surveillance des nanomatériaux par une structure indépendante, la prise en compte de la spécificité de ces substances dans le cadre de la réglementation Reach”, ainsi que l’élaboration d’un “registre international public de nanomatériaux commercialisés”.

Le deuxième rapport, publié en juillet 2008, constatait que “des dangers pour la santé de l’homme et pour l’environnement ne peuvent être écartés”. En milieu professionnel, l’Afsset estimait à 7 000 le nombre de personnes potentiellement exposées aux nanomatériaux dans les laboratoires français et à plus de 3 200 le nombre de travailleurs de la production industrielle susceptibles d’être en contact avec ces particules.

SCÉNARIOS TYPES

Dans le cadre d’une troisième expertise, correspondant à une saisine de juillet 2008, l’Afsset va se pencher sur les produits de grande consommation et créer des scénarios types : les nanomatériaux présents dans les cosmétiques ont a priori une faible pénétration à travers la peau, mais peuvent-ils être ingérés ? Que deviendront les nanomatériaux évacués avec les eaux usées ? Comment vieilliront-ils ? Le rapport et ses recommandations sont attendus au deuxième trimestre 2009.

“Nous sommes en train de passer de demandes d’expertise ponctuelles à une mission permanente de l’Agence. Le champ à explorer est immense, mais nous arrivons maintenant à formuler des recommandations opérationnelles”, commente David Vernez, adjoint au chef du département santé-environnement-travail de l’Afsset.

Paul Benkimoun