Le lombricompost ou comment recycler soi-même ses déchets organiques !

Un article de Gaëlle Naze paru le 10 septembre 2010 dans http://www.notre-planete.info, un site que La Ruche recommande fortement

Le lombricompostage est une évolution du compostage, introduit en France au début des années 1980. La lombriculture consiste à vendre des vers de fumier ou à commercialiser leur sous-produit à savoir : le lombricompost. Appuyée par un important battage médiatique, la lombriculture a également bénéficié de tout un courant écologique visant simultanément à éliminer naturellement des déchets organiques et à produire des amendements agricoles biologiques. Mais elle n’est plus réservée aux structures agricoles et cette méthode s’impose désormais dans nos jardins et nos balcons. Cette technique utilisée pour dégrader les déchets de cuisine, si elle se généralisait, permettrait de recycler jusqu’à 30% des déchets ménagers!

Qu’est ce que le lombricompost ?

Le lombricompostage, ou encore vermicompostage, est une méthode écologique de valorisation de nos déchets organiques : résidus de cuisine, fumiers, boues de station d’épuration… Le principe est simple, les vers se nourrissent des déchets apportés, leurs déjections s’accumulent et constituent le lombricompost, de la consistance d’un terreau mais qui s’avère être un véritable engrais naturel.

La principale différence avec le compostage classique : il n’y a pas de fermentation. Dans un composteur classique, l’étape importante, amenant les résidus à l’état de compost frais, est une dégradation aérobie intense : il s’agit essentiellement de la décomposition de la matière organique fraîche à haute température (50-70°C) sous l’action de bactéries. Dans un lombricompost, la transformation des déchets se fait à température ambiante, via le travail des vers, bactéries et autres organismes décomposeurs.

Dans le cadre d’une utilisation familiale, le compostage s’accommode très bien des quantités de déchets produites par le ménage et de ceux qui peuvent être récoltés dans un jardin. Le lombricompostage permet à ceux qui ont un petit jardin ou qui vivent dans un appartement de profiter des bénéfices du compostage. Même différents, ces deux systèmes peuvent être complémentaires, le composteur servant pour les importants volumes de déchets et le lombricomposteur pour les déchets de cuisine, ou pour les jours de froid-pluie, … quand le composteur se fait trop distant !

Avantages

Le lombricompostage est avantageux à plusieurs niveaux. En plus de la satisfaction de faire quelque chose de ses déchets, cela permet de réduire leur volume (moins 30% environ soit moins 300 kg/an par foyer). Et cela a plusieurs conséquences :

  • moins de sacs poubelles à sortir de la cuisine,
  • moins d’odeurs de fermentation dans la cuisine,
  • baisse de la taxe d’ordures ménagères (si vous la payez au poids),
  • et production d’un engrais naturel pour les plantes.

Inconvénients

Le lombricompost est un mini-écosystème fragile, il convient de le surveiller scrupuleusement et d’éviter certaines erreurs qui pourraient tuer les vers ou apporter des insectes nuisibles. Le lombricompostage produit deux types d’engrais, le lombricompost et le “thé de vers”. Le lombricompost, de la consistance d’un terreau, est un complément nutritionnel favorisant la rétention d’eau. Stable et directement assimilable par les végétaux, il favorise l’enracinement et la croissance des végétaux en ajoutant des éléments nutritifs.

Le “thé de vers”, récupéré dans le fond du lombricomposteur, provient essentiellement de l’eau contenue dans les déchets de cuisine (environ 80% de leur masse) chargée des nutriments, minéraux et oligo-éléments assimilés lors de l’écoulement dans le lombricompost. Cet engrais liquide ne doit pas être utilisé pur sur les végétaux, mais doit être dilué dans 10 parts d’eau pour une part de liquide. Les récoltes se font en moyenne tous les mois.

Les lombriciens

Les lombriciens, ou vers, représentent près de 50% de la masse totale des animaux vivant sur le vieux continent et sont divisés en 3 catégories : les épigés, les anéciques et les endogés. Il existe dans la nature beaucoup d’espèces de vers, mais seules quelques-unes peuvent être mises dans la lombricompostière. Les gros vers de terre, que nous trouvons au jardin en bêchant, ne sont pas utilisables pour le compostage. Ce sont des laboureurs du sol qui vivent généralement à plus de 20 cm de profondeur. Les lombrics de compost sont donc des vers de surface qui se trouvent à maximum 10 cm de profondeur. De ce fait, soumis à une forte prédation, ils se reproduisent très vite et se nourrissent de matière décomposée. La décomposition de la matière organique dans un lombricompost peut être confiée à 2 espèces de vers:

  1. Eisenia foetida ou “ver du fumier”, ou ver tigré. Rouge tigré de gris ou de jaune, il préfère les matières en décomposition.
  2. Eisenia endreï ou “ver de Californie” ou ver rouge. De couleur très rouge, il préfère les matières fraîches et contrairement à ce que son nom laisse entendre, il est originaire de nos contrées !

N’ayant pas les mêmes mœurs, l’idéal consiste à élever des représentants des 2 espèces dans sa lombricompostière… Les lombrics sont gourmands, ils mangent entre 1/2 et 1 fois leur poids par jour ! Ils aiment être au calme, à l’obscurité et sont eurythermes, c’est-à-dire qu’ils possèdent un large gradient de température. Cependant leurs capacités de croissance et de reproduction sont optimales pour des températures avoisinant les 20°C et alors ils se reproduisent de façon conséquente : un seul lombric peut avoir 500 descendants en un an !

Un lombricompost peu onéreux

Il existe pléthore de containers différents pour faire du lombricompostage. Ils peuvent être en bois, plastique, avec un aspect plus ou moins esthétique selon les constructeurs. Mais un bac de poissonnier en frigolite peut suffire ! En effet, fabriquer une lombricompostière n’est pas difficile. Il y a de nombreuses possibilités, en voici quelques-unes peu coûteuses:

En frigolite

Récupérez un bac de poissonnier en frigolite avec son couvercle. Séparez-le en deux avec une plaque de plexiglas trouée. Superposez éventuellement 3-4-5 bacs, selon vos besoins.

En bois à 2 compartiments

Faites un bac d’environ 1 mètre de long sur 40-50cm de large et de haut. Séparez verticalement avec une plaque de plexiglas. Rendez les fentes hermétiques avec du silicone.

Une vielle poubelle

Récupérez une poubelle en plastique de 50-80 litres. Placez à 10-15 cm du fond une plaque trouée. Cela permettra l’évacuation du jus afin que les matières et les vers ne soient pas noyés. En effet, les lombrics ne sont pas doués pour l’apnée…

Quelques conseils

L’installation

Une lombricompostière peut être placée à l’intérieur ou à l’extérieur. A l’extérieur, il est nécessaire de faire attention à l’isolation ; sous nos climats les gelées peuvent être mortelles pour les vers. A basses températures, ils se réfugient à l’intérieur du compost et survivront (du moins une partie) mais il serait dommage de perdre la moitié de vos précieux travailleurs pendant l’hiver. Les étapes sont les suivantes :

  1. Remplissez un seau avec des journaux coupés en morceaux ou mieux encore des cartons ondulés ou des cartons à œufs, qui ne sont pas chargés en encres.
  2. Remplissez le seau d’eau et laissez le carton s’imbiber
  3. Sortez le carton détrempé du seau et laissez partir le surplus d’eau en pressant légèrement.
  4. Placez le carton dans le fond de votre bac à lombricompost, il servira de refuge pour vos vers.
  5. Vous pouvez également rajouter quelques poignées de sciure de bois indigènes et non traités/peints, …
  6. Placez les vers par-dessus.
  7. Après le gîte, le couvert ! Apportez des aliments à vos vers. Attention, si vous n’avez pas assez de vers dès le départ, la matière va s’accumuler et de la pourriture risque d’apparaître.
  8. Il ne me reste qu’à vous souhaiter une bonne séance de bricolage pour le bac et une bonne récolte de lombricompost et de thé de vers.

En résumé : 2 personnes = 500 gr de déchets organiques par jour = Bac de dimensions 60 x 60 x 30 cm = 250 gr de vers

Les vers ne vont par s’attaquer directement aux déchets, ils préfèrent les matières en cours de décomposition (2 à 3 semaines). Ne vous tracassez donc pas s’ils ne mangent pas de suite. Surtout ne chargez pas de trop le bac au départ, laissez les vers s’habituer à leur nouveau milieu ! Ils commenceront à bien manger 2 à 3 semaines après l’installation. Si de la matière se décompose de trop sans être mangée, réduisez immédiatement vos apports ou arrêtez les. Des matières non attaquées produiront de mauvaises odeurs. Il vous restera ensuite (après 1 ou 2 mois) à trouver votre ‘vitesse de croisière’ en ce qui concerne les apports de matières organiques.

L’humidité

L’eau apportée lors du démarrage du processus avec les cartons mouillés, est généralement suffisante pour le reste du processus. L’eau qui s’évapore se condense sur les parois et retombe dans le bac. Si l’été est chaud et que votre lombricompost sèche, rectifiez l’humidification, mais très doucement avec un pulvérisateur.

Le rapport Carbone/Azote

Ce rapport n’est pas important pour les vers, mais pour la composition finale du compost. En général, les déchets organiques ménagers sont riches en azote. Rééquilibrez avec des matières carbonées, car si vous n’avez pas suffisamment de vers, vos matières organiques risquent de se transformer en une pâte gluante et malodorante. Petite rappel, les vers adorent le carton ondulé et les boîtes à œufs, découpés en petits morceaux. Ils s’y réfugient, s’y reproduisent et s’en régalent.

Le menu

Les vers de terre n’ont pas de dents, ne placez pas de matières trop dures telles que roses (tiges trop dures), os, broyat,… dans le lombricompost. Les vers n’apprécient pas non plus les déchets de viande et de produits laitiers. Par contre n’hésitez pas à leur apporter du marc de café, avec le filtre, les vers en frétillent de bonheur.

Les moucherons/mouches

Il arrive que les moucherons et mouches viennent élire domicile dans les lombricomposts, voici quelques techniques pour les limiter:

  • Créez un milieu moins favorable en asséchant le milieu : pour cela, stoppez les apports de nourritures pendant 1 ou 2 semaines. Attention, il ne faut pas non plus que le milieu soit trop sec sinon les vers vont aussi mourir. Apportez de la matière carbonée (cf. ci-dessus).
  • Stoppez l’accès au lombricompost : vous pouvez recouvrir votre aménagement de cartons coupés en morceaux ou d’un linge (type moustiquaire) et faire en sorte que vos bacs soient bien jointifs pour éviter que les mouches puissent rentrer et pondre de nouveau. Il faut cependant de minuscules petits trous pour que l’air puisse passer.
  • Stocker vos déchets dans des récipients hermétiques. Si vous stockez vos déchets avant de les insérer dans le lombricompost, il faut les mettre dans un récipient hermétique afin que les mouches ne pondent pas dessus.
  • Et enfin privilégiez un substrat sain, c’est-à-dire trouvez le bon équilibre entre les épluchures de légumes et les papiers/cartons coupés.

La lombriculture incarne le rêve de tout bricoleur : faire du neuf avec de l’ancien ou de tout écologiste : réduire son impact environnemental.

Ce type de recyclage pourrait être une des solutions pour réduire nos productions de déchets à grande échelle, et tout le cortège de désagréments qui va avec… En effet avec la lombriculture, les agriculteurs pourraient stopper le stockage de déchets organiques (fumures, boues de stations d’épuration, …) dans des champs où les périodes d’épandage sont réglementées et surtout restreintes. Les engrais pourraient être supprimés ou à minima leurs doses diminuées, l’eutrophisation ne seraient alors plus qu’un vieux cauchemar.

Pourquoi cela n’est-il encore qu’un rêve ? Pourquoi les états n’incitent-ils pas les agriculteurs, les citoyens lambda à mettre en place ce type de retraitement ? A cela, plusieurs réponses : tout d’abord le lombricompost est une filière qui demande du temps. Pour les agriculteurs-éleveurs de bétail, il faut 3 à 6 mois de stockage des fumures en extérieur pour éliminer toute trace de vermifuges avant de pouvoir les étaler sur des lits contenant des vers, puis 6 à 7 mois pour obtenir de la “crème” de lombricompost (= compost d’un taux de 70 à 80% d’eau), et encore plusieurs semaines, en fonction de la température extérieure, pour que le taux d’humidité tombe à 45% et que le lombricompost soit utilisable en agriculture ou qu’il puisse être vendu. Outre le temps, si le lombricompost se développait, ce serait la filière des « engrais » qui péricliterait. Or la France, avec près de 4 tonnes consommées par an, est parmi les 5 premiers pays consommateurs et…surtout producteurs. Ce serait tout un secteur de l’économie actuelle qui s’écroulerait, mais notre vie et celle de nos enfants ne valent-elles pas cette peine? Faut-il se comporter comme des moutons de Panurge et suivre tout ce monde de consommation qui nous pousse à acheter comme tout le monde et au meilleur prix ? Ne devrions nous pas donner l’exemple, privilégier le lombricompost pour le retraitement de nos déchets alimentaires, utiliser le thé de vers, ou réaliser des purins d’orties ou de prêles pour apporter des éléments nutritifs à nos plantes, bref contribuer au succès des méthodes alternatives et indirectement à la préservation de la Nature ?