L’habitat groupé séduit à nouveau les Français

Un article d’Anne Farthouat, mis en ligne le 14/04/2009 dans Novethic

L’habitat groupé séduit de plus en plus les partisans du « vivre autrement ». Le principe ? Rassembler un groupe de particuliers qui souhaitent investir dans un projet immobilier commun, respectueux de l’environnement et surtout, centré sur l’épanouissement social de ses habitants.

La tendance n’est ni nouvelle, ni franco-française. Le concept est apparu dans les pays nordiques, au milieu des années soixante, et s’est peu à peu propagé jusqu’en Belgique. Christian La Grange, architecte belge, auteur du livre Habitat Groupé (éditions Terre vivante), observe que depuis quelques mois, le concept attire de plus en plus de Français. « Je reçois de nombreux messages de groupes qui se constituent dans l’hexagone, et qui s’étonnent du nombre d’habitats groupés en Belgique. Je dirais que chez nous, on en recense un tous les cinq kilomètres ! » Effectivement, les pays d’Europe du Nord ont désormais intégré ce type de logements dans leur paysage urbain. En Allemagne, par exemple, les habitats groupés autogérés représentent près de 25% des logements neufs. Et à Fribourg, ville « éco-exemplaire », on recense plus de 150 projets réalisés.

Pour autant, la France n’est pas restée hermétique au phénomène. « Dans les années 70, un certain nombre de Français se sont lancés dans ce type de projets, c’était dans l’air du temps. Au point qu’à la fin des années 80, on comptait une centaine d’habitats groupés. Et puis les années 90 ont vu naître le culte de l’individualisme, et le mouvement s’est estompé. » Pour Michel Broutin, président de l’association Ecohabitat Groupé, le regain d’intérêt que l’on observe aujourd’hui en Bretagne, en Alsace, dans le Midi ou encore en Gironde, s’explique par deux raisons. « Les modèles individualistes et libéraux ont montré leurs limites, et la prise en compte de la question environnementale, qui devient centrale dans l’habitat, se généralise. » Aujourd’hui, une cinquantaine de projets sont en cours en France.

Avantage économique et épanouissement social
D’autant que le concept permet des économies d’échelles considérables. Ne serait-ce que sur le foncier, dont le coût de revient est 20% moins cher en autopromotion. La construction de bâtiments à haute performance énergétique est également moins coûteuse, puisque les habitants achètent en gros. Mais ce ne sont pas seulement ces économies qui poussent les groupes de particuliers à investir ensemble. Au contraire, la motivation première reste l’envie de partager un environnement et des valeurs communes. Si chacun investit selon l’espace qu’il occupe, les « habitants groupés » partagent buanderie, atelier, bibliothèque, voire même salle polyvalente. Parfois, ils peuvent accueillir des associations dans leurs locaux, et participer ainsi activement à la vie locale. L’intérêt est aussi de s’organiser pour les gardes d’enfants, l’aide aux personnes âgées, le covoiturage. Ils créent ainsi une mixité et des échanges sociaux qui profitent à tous, et en particulier aux plus jeunes. C’est d’ailleurs autant l’envie de créer des relations intergénérationnelles que leur conscience écologique qui ont poussé Raphaël Rousseau et Servane Paccoud à initier un projet près de Colmar. Aujourd’hui en recherche d’un terrain, ils ont constitué un groupe d’une dizaine de familles avec qui ils élaborent leur futur mode de vie.

Les collectivités locales à séduire
Mais la réalisation de tels projets relève souvent du parcours du combattant. Questions juridiques, gestion du fonctionnement du groupe, projet de construction demandent l’investissement de tous sur de sujets qu’ils ne maîtrisent pas forcément. Raphaël Rousseau et ses futurs voisins en ont fait l’expérience. « Jusqu’ici, nous fonctionnions de manière totalement autonome, mais nous allons surement nous rapprocher d’une société de conseil sur Strasbourg, qui propose des prestations d’accompagnement de projets en autopromotion. Ce n’est pas toujours facile d’être pris au sérieux par les collectivités locales, avec de tels projets. D’où l’intérêt de faire appel à une expertise extérieure, qui apporte une sorte de garantie crédible. »

Ce soutien peut se concrétiser via des sociétés de conseils, ou des associations telles que Ecohabitat Groupé. Il s’avère en tout cas crucial pour mener un projet à terme. Selon Stefan Singer, gérant de la société Toits de Choix, dix-neuf projets sur vingt n’aboutissent pas, par manque de structure et de méthode. « Mais les municipalités sont de plus en plus réceptives, dès lors qu’on leur montre les bénéfices qu’apportent l’habitat groupé sur la collectivité. Ils diminuent par exemple la pression sur la demande de services, type garde d’enfants. Le fait d’avoir des constructions plus denses contribue par ailleurs à éviter l’étalement urbain. »
C’est ainsi par exemple que la ville de Meylan, près de Grenoble, a réservé une cinquantaine de logements pour des projets d’habitats groupés dans le futur éco-quartier en construction. La création de nombreux éco-quartiers pourrait bien être une opportunité à saisir pour les futurs « habitants groupés ».